National 4000 - Bretagne Nord
Vendredi 18 mai 2018. 4h00 du matin. Je me lève quelques minutes avant que les bips de ma montre ne réveillent toute la maisonnée. J’avale un café bien tassé, attrape mon sac savamment calibré, compartimenté, pesé… et c’est parti pour l’aéroport de Montpellier. Moi qui d’habitude embarque sur les régates entre trois et quinze fois trop d’équipement, de la bouffe pour une colonie d’adolescents pré-pubères et l’équivalent cumulé d’un Uship et d’un Leroy Merlin, je peux vous dire que cela fut un sacré exercice de style de tasser avec les pieds l’essentiel dans un sac cabine de 50 cm !
Donc, une téléportation plus tard, je me retrouve autour d’une table au café de l’aéroport de Nantes en compagnie d’Anne-Gaëlle et Mister Duflos. Puis périf’ en direction de la Terre Promise, le royaume du 4000, The Shield en Terre du Milieu peuplée de Hobbits aux grands pieds et aux vives levées de coudes, comprenez le Morbihan. Sur la route, on parle de tout sauf de bateau… ou plutôt l’inverse en fait. On évoque la possibilité d’un petit entrainement digestif en début d’aprèm mais la terrasse ensoleillée de l’Abri-côtier en agréable compagnie auront raison de notre motivation. Soirée aux petits oignons et aux huîtres-Tipunch sur une autre terrasse ensoleillée et en tout aussi bonne compagnie ; dodo pas trop tardif ; café-Efferalgan au petit matin et en ture pour l’avant-route vers le Mordor, lieu des espoirs les plus fous, des dangers les plus farouches, des mirages humides et ensablés (surtout quand il faut récupérer la misalo !) ; le Mordor de Bretagne Nord, territoire déclaré de joutes nautiques tant attendues.
Nous tombons instantanément sous le charme de la baie de Lancieux. Le qualificatif le plus approprié au sortir de la voiture a dû être un truc profond du style « Putain, la vache, c’est beau » ! S’ensuit le ballet habituel des bisous entre un déchargement et un mâtage, le tout sous la houlette joyeuse de l’équipe organisatrice. Puis inscription et pesée qui, personnellement ne sert pas à grand-chose vu le quintal avéré de mon frère d’armes du week-end !
Nous sommes les premiers sur l’eau dans un petit 5 nds. Il fait beau, il fait presque chaud, la mer est belle, le cadre est merveilleux, les manœuvres me semblent simples et fluides, ça glisse… le Bonheur (si si, ça mérite une majuscule !). L’ensemble des coureurs est discipliné et le comité, depuis son petit Zod’, lance le premier départ à 14h pétante. La flotte est ultra-dense et pourtant ça tactique et ça optionne à tous les étages, c’est génial. Ne connaissant pas le plan d’eau et vu la complexité des effets de site, nous avions choisi stratégiquement de rester assez conservateur : pas de choix extrême, on joue au milieu avec le courant, plutôt centre-droit. Bon ça passe légèrement par la gauche avec la compression à la côte. Nous ne sommes pas très loin et grâce à un bon second près, on finit 2ème derrière le bateau belge. Sur la seconde course, nous sommes dans le trio de tête à la lutte avec Florence et Aubin. Ça croise et ça décroise. Je suis super inquiet car les trois-quarts de la pièce en plastoc qui tient le crochet largable de mon harnais d’occasion vient de voler dans le fond du bateau. On ne peut rien faire sur le moment alors on se concentre sur le plan d’eau. En approche de la marque au vent du second près, Flo arrive très vite en lay-line tribord ; nous sommes en babord, on s’apprête à virer dans son tableau arrière quand, tout d’un coup, Plouf le sac à patates… Sentant venir la trahison du harnais, j’avais enroulé l’écoute de foc autour de ma main, ce qui m’a permis de remonter assez vite dans le canot’. Objection votre honneur, la présomption d’innocence est bafouée, le harnais ni est pour rien, c’est le câble (enfin le dynema) de trapèze le coupable. On vire, on passe le dog-leg en pleurant et on assure malgré tout une belle troisième place.
Le début du calvaire commence maintenant. Vous vous souvenez du début du paragraphe précédent n’est-ce pas : il fait beau, il fait presque chaud, la mer est belle et ça glisse et patatipatata… eh ben plus rien à battre ! On couche le bateau sur une sécu et Micka fait rapidement un nœud sur la fixation du trapèze tribord en passant par l’avant du mât. On redresse est c’est reparti.
- Michaël confiant : J’ai fait 3 demi-clefs, ça va l’faire… hein ?!
- Manu sceptique : Heuh, mouais, peut être… et si on en profitait pour faire une sécurité sur le harnais, hein ?!
Départ course 3. Super départ à gauche. Le thermique est bien rentré, c’est une manche pour nous. On attend que la voie se libère et on envoie pour se recentrer. Et plouf le chat noir. Rassurez-vous, les trois demi-clefs de Micka n’ont pas lâché, c’est juste le dynema de 2 mm qui a explosé en plein milieu cette fois. What a fuck !!! Juste pour moi, cadeau spécial, mais c’est con j’l’avais déjà celui-ci, avec Stéphan le dernier jour de l’euro l’an dernier ! Donc, une manche entière dans du vent à faire du Snipe (sans le rating), les pieds cisaillés sous les bouts de hale-bas et cuni. Évidemment, c’était sur le long bord favorable. Le vent étant monté, quelques bateaux dessalent à l’affalage. Il faut se forcer à terminer la course, tous les points sont bons à prendre. Toutes les places regagnées sous spi en descendant sont reperdues au près. Silence à bord.
Nous avons peu de temps pour tenter une ultime réparation avant le départ de la dernière course du jour. On couche le bateau est Micka va dans l’eau pour attacher une estrope avec un gros bout de dynema qu’il conserve dans la sacoche. On redresse, on teste… et plouf le sac rempli de chats noirs. Cette fois, c’est moi qui m’y colle. Je m’acharne à essayer de défaire un vain des nœuds trop souqués. Le pavillon orange est envoyé. Je fini par rattacher ce que je peux avec,…ben ce que je peux. On redresse. La cuillère est juste en dessous des barres de flèches. La claaasse. Micka défait une sangle de rappel pour récupérer un bout ! On accroche ledit bout à la cuillère, un cabestan sur l’élastique et un nœud de plein-poing pour le crochet du harnais. Va falloir ralentir les virements mais ça devrait tenir. Nous réussissons à prendre le départ mais on est cramés. On fait ce qu’on peut et pour tout dire, je crois que l’on a du mal à s’y remettre. On finira 8ème. Fin de la journée, retour à terre le moral dans les tongs, tongs qui au demeurant nous attendent bien sagement, là-bas, tout là-bas au loin avec la mise à l’eau… What a fuck ! Sûr que pour un sudiste, le marnage de la Bretagne Nord, ça impressionne. Je comprends mieux pourquoi il y a des tracteurs dans la cour du club, j’ai cru un instant que les moniteurs étaient comme les montagnards : paysans l’été et moniteurs de ski en saison.
Pour motiver l’émargement retour, l’organisation a eu la grande idée d’offrir les bières contre signature. Riche idée de l’avis général. Le pot d’accueil vient nous cueillir en plein bricolage et, pour faire le pendant des ti-punchs de la veille, aujourd’hui ce sera planteur et petits toasts. Cool, fallait bien ça pour me dérider. La soirée s’étire en douceur, le soleil se couche sur les Hébihens… « Putain, la vache, c’est beau » !
La nuit est courte et pas super confortable mais l’accueil est génial et on est entre potes alors tout va bien. Sur l’eau, le niveau est très homogène et comme il n’y aura qu’une seule discard, on sait bien que le joker est déjà grillé. On part sur l’eau dimanche en fin de matinée quand le vent commence à rentrer. Pour nous, tout va se jouer aujourd’hui. On reste dans le match ou on sort du jeu. Je ne me souviens plus sur quelle course s’est arrivé mais ce qui est sûr, c’est que malgré les ploufs à répétition de la veille, les chats noirs contenus dans le sac ont survécu. Le support en inox maintenant la poulie winch sur la tourelle se casse et Michaël est contraint d’utiliser sa main comme taquet. Pas glop ni pour sa mimine, ni pour la performance. On essaie de ne rien lâcher mais je crois que mentalement on craque tous les deux. S’ensuivra une grosse carence de vitesse sous spi, des choix de placements pas très heureux surtout sur les portants. Pourtant les départs sont au top, on est dans le match sur quasiment tous les premiers près… et cela ne suffit pas. Devant, ça bataille bien… mais on reste juste derrière. Cinq courses seront courues avec un paquet de vainqueurs différents. Les options tactiques ne sont pas toujours les mêmes en fonction des courants et les cartes sont redistribuées en permanence. Je ne me souviens pas de tout mais au soir du dimanche, John et Fran sont premiers au général suivis par Yannick et Nico. Pour le podium français, Yannick et Nico devancent Céd & Antho, Florence et Aubin sont en embuscade. Nous sommes 4ème français (7 au général) mais trop décrocher en points pour espérer un podium. Les Allix brothers sont 5 points derrière grâce à une super journée (une manche de 1 et une de 2, bravo !)
Comme la veille, tout est au top. Bières à l’émargement, planteur, grillades en abondance, lasagnes de légumes, DJ pour le son (même si Florence a voulu tenter une OPA sur la machine !)…
Deux courses seront courues le lundi un peu plus tôt que les autres jours. Le thermique n’a pas le temps de s’établir et ce sera donc dans un peu moins d’air que le dénouement final aura lieu. John et Fran confirmeront leur domination dans ce type de temps et s’assure une première place de la compétition largement méritée. Les grands perdants du jour sont Gab et Nico qui font deux mauvaises courses et se voient ravir le titre national par Florence et Aubin qui ont merveilleusement bien géré cette dernière confrontation. Ced & Antho conservent leur seconde place française (3ème au général). Quant à nous, nous faisons une super journée avec des manches de 3 et 2, ce qui nous ramène à 1 petit point de Yannick qui reste malgré tout sur la troisième marche du podium français.
Voilà. Tout ça se termine sur une remise de prix conviviale avec de très beaux lots. Un super goûter breton, composer d’un énorme kouign-aman, de crèpes et de jus de pomme, vint conclure de la meilleure des manières un week-end purement magique. Je me répète mais l’accueil du club nautique de Lancieux a été quatre étoiles. L’équipe de salariés et de bénévoles a été simplement parfaite. Nos amis anglais ont semblé enchantés d’avoir traversé la manche et un big up pour Chiara et Tania venues depuis l’Italie en guest sur le second 4000 de Micka. D’ailleurs, vu les circonstances, j’aurai bien interverti les bateaux avant la régate ! Retour en avion le mardi où la grève des contrôleurs aériens et le retard du vol retour n’ont en rien entamé ma bonne humeur. La classe 4000, c’est une vraie bande de bons copains qui justifie à elle seule de faire la grande diagonale une ou deux fois dans l’année. Je ne peux que conclure ce compte-rendu, un peu longuet comme d’habitude, sans remercier chaleureusement notre bien-aimé Président pour sa gentillesse, sa patience et la belle leçon de calme et d’humilité qu’il m’a offerte dans les moments difficiles. Alors à très vite pour ceux qui seront à Côme et à tout bientôt pour les autres… et pour l’an prochain, je propose une garde alternée pour le chat noir, qu’en dites-vous ?
Kenavo les zamis !