EUROCUP 4000 - Gravedona - Lac de Côme - Italie
Ben voilà. C’est fini. Il a bien fallu rentrer, reprendre le travail, répondre au téléphone, répondre aux mails, répondre évasivement aux questions des collègues qui, de bon gré, t’interrogent sur tes vacances : « C’était bien le Lac de Côme ? t’as vu des stars ?, non parce que moi, quand j’y étais on avait été là et fait cecicela… » Pffff, je ne suis pas tolérant je sais, j’ai un peu honte. Mais bon, vous diriez quoi à ma place hein ? Qu’effectivement, on a vu un Star orange qui a malheureusement fini sur les cailloux des Antilles ! Hein ??!!! Ou plus sincèrement, qu’il y a de supers gars qui sont champions et vice-champions d’Europe, qu’on est fiers, émus et heureux pour eux.
Mais que derrière le podium, c’était bien quand même, et qu’il a fallu tenir, ne rien lâcher pour ne pas perdre de place au classement général. Mais honnêtement quelqu’un est-il capable d’expliquer la motivation qui peut habiter un équipage à défendre sa 13ème place ? Parce que moi-même, l’un des deux protagonistes, quand je regarde tout ça de l’extérieur, je me dis qu’il faut quand même être un peu con pour mettre autant d’énergie à ne pas se retrouver 14 ou 15ème ! Alors c’est le sport me direz-vous. Certes. Le Tour de France aussi c’est du sport, mais ça ne me rassure pas vraiment. On peut toujours se dire que notre objectif était de « rentrer dans le top 15 » mais si nous avions été 17, on aurait aussi pu se dire que « c’était bien d’être dans la première moitié ». Totalement incohérent ! Alors allez expliquer ça à des collègues de bureau qui n’ont jamais franchi le panneau de fin d’agglomération de leur village ! Pourtant, je peux vous dire que pour les quelques équipages situés aux alentours de cette fameuse quinzième place (dont la moitié des Français), ce fut un sacré combat. Donc c’est peut être juste ça le sport, le nôtre en tout cas ; livrer un combat sur l’eau contre les Anglais, les Italiens, les Belges, les Suisses et les Bretons ; et qui dit combat dit lutter contre l’affectif, annihiler toute forme de compassion, dévorer l’adversaire et se repaitre de ses dessalages… Tu ne dis plus « Stephan et Anne-Ga sont en train de nous niquer » mais « 4611, plus vite - moins de cap » tel un robot (étanche) dénué de toute émotion. Voilà, donc le sport de compétition serait un combat farouche, froid et immoral où tu rêves de voir couler le bateau voisin pour conserver à n’importe quel prix ta 13ème place. Alors oui, peut-être… maaaiiiis, en fait non. Pas du tout. Enfin disons que nous, en tout cas, on n’y arrive pas. Et voilà pourquoi on y était. Parce que 4611, 4414 et les autres qui nous entourent ont de vrais prénoms, parce que, comme dans une cour d’école, on était content qu’ils acceptent de jouer avec nous, parce qu’on a juste eu un peu plus de chance « a-mendoné », parce que même si c’est un championnat d’Europe et que tu fais un refus de tribord, y’en a qui sont capables de te dire « c’est pas grave », parce que quand Stephan reste dans notre fumée pendant dix minutes et que je le vois tomber sous le vent j’ai vraiment envie de hurler « mais recale-toi connaud, on va aller fond de droite !!! ». Bon je me retiens…au moins jusqu’à la fin de la course parce que quand même, sans savoir pourquoi, c’est important de garder sa 13ème place, n’est-ce pas ? Bref, tout ça cumulé fait que le soir tout le monde à plein de trucs à raconter autour d’une bière. Et franchement, on a bu vraiment beaucoup de litres de bières, …c’est vous dire !
Donc là, amis 4000istes, vous êtes en train de vous dire que je n’ai toujours pas commencé mon compte rendu et que ça va encore être trop long. Ce n’est pas faux. Mais qui a décrété que je devais écrire des comptes rendus d’abord ? Et puis ce n’est pas grave si c’est trop long parce que la majorité d’entre vous sont encore en vacances et que c’est mieux que de lire Gala et Marie-Claire en massant ses courbatures (les siennes, pas celles de Marie-Claire). Je m’aperçois que je digresse allègrement car je ne sais pas trop quoi écrire sur la régate en elle-même. Les 11 courses se mélangent dans ma tête pour ne plus former qu’un amas de passages de bouées plus ou moins bien négociés, de VMG descente plus ou moins efficients, de positionnements tactiques plus ou moins inspirés, de départs plus ou moins réussis (plutôt plus d’ailleurs, bravo Romain), de mes coups de gueule inutiles les deux premiers jours (merci Romain), de ma sérénité retrouvée les deux jours suivants (merci Romain), de manœuvres plus ou moins sauvées à l’arrachée (merci Manu, bah oui quand même…), de toutes ces arrivées de course où se mélangent subtilement joie et déception, qui font l’essence même de la régate et qui se manifeste, quasiment à l’identique, au sein de tous les équipages : on est content d’avoir quelques bateaux derrière mais on aurait bien croqué celui de devant… sauf pour le premier évidemment.
Donc justement parlons-en des premiers ! (vous remarquerez, sans nul doute, la pirouette rédactionnelle qui consiste à écrire une grossière ineptie dans le seul but d’insérer une transition bien lourde !!!)Je crois que tout le monde s’attendait à voir le Team Pulpo aux premiers rangs, surtout dans des conditions ventées, mais la domination outrageuse dont il a fait preuve sur l’ensemble de la compétition n’a d’égale que la simplicité avec laquelle Cédric et Anthony en parlent, sans prétention mais aussi sans fausse-modestie malvenue. C’est beau… vachement plus que la couleur « salle de bain mode années 70 » de leur embarcation !!! Il est de coutume de dire, de manière totalement galvaudée, qu’il n’y a pas de grand vainqueur sans grand second. Les Gab’ père & fils auront tenu leur rang de favoris (à nos yeux en tout cas) avec une hallucinante régularité. Nous pensions que leur position “embuscadée” leur conviendrait mieux que la pression parfois douloureuse de titulaire du général provisoire mais Cedo(contraction usuelle, à notre bord, de Cédric-Antho-Pulpo) n’ont rien lâché, allant jusqu’à s’assurer la victoire avant la dernière course… qu’ils ont quand même remportée histoire d’enfoncer le clou. Personnellement, j’ai été beaucoup plus ému de voir nos quatre frenchies monter sur les deux plus hautes marches du podium que par la victoire française lors de la coupe du monde de fouteubol !
Je retiendrai de cet Eurocup à Gravedona, outre le génial accueil du club organisateur, la rigolote Elena Padekoi, la beauté du site, la météo parfaite, je retiendrai disais-je ce sentiment d’appartenance à une belle famille d’amis, même si j’ai conscience que je me répète au gré des comptes rendus. Il me semble qu’une réelle et tendre complicité a uni les huit équipages français et je revois chacun d’entre vous sur l’eau ou à terre avec beaucoup d’affection. Des images me reviennent par flash : la discrétion de Pierre et Matthieu qui pourtant n’étaient jamais très loin de nous et le regret de ne pas avoir passé plus de temps avec eux à terre ; l’éclat buriné de Stephan quand il est concentré à la barre, on dirait une statue grecque illuminée ; la puissance sportive qui se dégage d’Anne-Gaël dans ses manœuvres, ses sourires radieux, sa bonne humeur et le flot de paroles ininterrompu qu’elle est capable d’asséner à son interlocuteur (ça me laisse sans voix ! humour Anne-Ga, te vexe pas stp) ; la tranquillité et la simplicité de Marine et Thierry et les quelques engueulades qu’il m’a semblé entendre aux passages de bouées un peu chauds ; la grande classe et l’élégance qui émane du couple présidentiel quand ils sont collés-serrés au bout de l’échelle ; les doux sourires poivre & sel de Yannick et la longue et fine silhouette de Loïc au ras des vagues ; les lunettes colorées de Thomas et cette étrange impression que ses genoux vont lui remonter sous les oreilles quand il est au rappel (joke) ; le visage fermé de Morgane et sa belle combativité (elle m’a quand même atomisée sur un envoi de spi !), on se souviendra qu’on lui doit le plus joli dicton du championnat : « Pour une régate sans problème, une régate sans glutten ! » ; et puis évidemment la maîtrise et le sang-froid de nos champions d’Europe, la petite larme d’Anthony lors de la remise des prix, l’apparente sérénité de Cédric et la fierté de ses enfants. Quant à nous, c’était vraiment cool de se retrouver après presque deux années d’abstinence, de constater que sans entrainement et avec un nouveau bateau, le binôme fonctionne toujours pas trop mal avec les mêmes atouts et les mêmes carences qu’avant. Avec aussi probablement un fond de frustration dû à un potentiel inexploité qui nous permettrait d’entrevoir la queue du premier wagon. C’était unone shot mais il fut bien sympa. Encore une aventure au compteur, y’en aura d’autres !
Pour répondre à mes interrogations existentielles des premières lignes, j’en conclus, au vu du saupoudrage de guimauve aux bisounours de cet article, qu’il n’y a aucune logique rationnelle à se battre pour conserver sa 13ème place. Ce n’est ni le sport, ni une volonté farouche d’être meilleur que le 14ème parce que le niveau est tellement homogène en milieu de flotte que cela tient vraiment à un poil de cheveu de fesses de mouche. Romain dirait philosophiquement que 13 c’est bien, c’est Marseille. Alors pour une fois, je lui laisserai le dernier mot.
4000 bisous les zamis.